Netanyahu, Hitler et Amin Al-Husseini

Le 20 octobre 2015, le premier ministre israélien Binyamin Netanyahu a dit devant le Congrès sioniste mondial qu'Hitler ne voulait d'abord pas exterminer les juifs. Selon Netanyahu, Hitler aurait demandé ce qu'il devait faire d'eux au Palestinien Amin Al-Husseini, lequel lui aurait répondu: «Brûlez-les» (1). De 1921 à 1937, Al-Husseini était le grand mufti de Jérusalem, la plus haute autorité musulmane de Palestine.

En réalité, le scénario de Netanyahu est inventé de toutes pièces. Les travaux des historiens, les témoignages d'acteurs de l'époque et la masse des documents qui ont été retrouvés nous donnent la certitude que ce sont bien les nazis, et personne d'autre, qui sont responsables de la Shoa. Les paroles de Netanyahu ont d'ailleurs été contredites par le gouvernement allemand (2).

Il est à peu près certain qu'Al-Husseini était antisémite, mais c'était le cas de millions de gens, surtout en Occident. Les sympathisants d'Hitler étaient partout. Ainsi, en France, en faisaient parties des unités militaires comme la brigade de la SS Charlemagne, des partis comme le Rassemblement national populaire, la Légion des volontaires français et le Parti populaire français, de nombreux membres du gouvernement de Vichy et au moins des centaines de milliers de particuliers. Il ne faut pas oublier que, dans les années qui ont précédé la Shoa, la quasi-totalité des pays du monde ont refusé d'accueillir les juifs persécutés par les nazis, cela malgré l'extrême gravité des nouvelles qui provenaient d'Allemagne. 

Par exemple, les journaux du monde entier ont couvert les pogroms de la Nuit de cristal du 9 au 10 novembre 1938 avec les atrocités qui les ont accompagnés: de nombreux viols, entre 400 et 2'000 morts, l'internement d'environ 30'000 personnes dans les camps de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen. Mais pratiquement personne n'a réagi: «À l'exception de la République dominicaine, tous les pays d'accueil pressentis limitent les visas au minimum et les files d'attente devant les ambassades  s'allongent démesurément. C'est ainsi qu'un très grand nombre de personnes vont rester piégées dans la zone contrôlée par le troisième Reich» (3). 

Si Netanyahu souhaite relativiser la responsabilité d'Hitler dans la Shoa, ce n'est pas Al-Husseini qu'il faudrait mettre en cause, ce sont les gouvernements des pays riches, notamment ceux qui n'étaient pas densément peuplés comme les États-Unis ou le Canada, qui ont abandonné les juifs dans la nasse nazie en leur refusant un visa.

(1) Piotr Smolar, «Nétanyahou fait du grand mufti de Jérusalem l'inspirateur de la "solution finale"», Le Monde, 21 octobre 2015.
(2) Yossi Verter, «When a German Official Puts the Israeli PM in His Place», Haaretz, 24 octobre 2015.
(3) Pierre Jaquet, 
États-Unis, Une politique étrangère criminelle, Alphée, 2010, p. 179.

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